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Le rôle du Packager, vis à vis de l'éditeur

Le  travail du packager se résume  souvent, à une assomption des tâches de coordination et de direction confiées à l’éditeur de l’œuvre collective : il veille à faire respecter le cadre fixé, auprès des contributeurs, il s’assure de ce que les contributions fournies  peuvent y être intégrées en conformité avec ce cadre, et gère la situation contractuelle des contributeurs.

 

Son travail est presque comparable à celui d’un directeur d’ouvrage.

 

Or, le travail d’un directeur d’ouvrage ne donne traditionnellement pas prise au droit d’auteur, et le Directeur d’ouvrage n’est pas admis, généralement, à invoquer des droits sur l’œuvre collective prise dans son ensemble, au prétexte qu’il lui aurait donné l’empreinte de sa personnalité.

 

Comme pour un Directeur de collection, et quelque soit son talent, ce travail ne peut, selon la jurisprudence, être assimilé à une œuvre de l’esprit, ce qui est parfaitement cohérent, seules les œuvres matérialisées sous une forme perceptible pouvant ouvrir droit à la protection propres aux œuvres de l’esprit .

 

Com, 27 février 1990

 

Ainsi que le note Pierre-Yves Gautier, au sujet de cet arrêt : « Ceci vaut, dans nos disciplines, pour le directeur d’encyclopédie, collections ou grands traités : son travail est essentiel, doit être rémunéré et respecté mais ce n’est pas une œuvre, sauf preuve contraire. »

 

La Cour de cassation s’est d’ailleurs clairement prononcée contre la protection du travail d’initiative et de conception d’une œuvre collective, assumé par une personne physique, dans un litige opposant l’ayant droit de Paul Robert à l’éditeur du Dictionnaire Le Robert, confirmant la position retenue par la Cour d’appel de Paris en ces termes :

 

« qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision de qualifier “Le Petit Y…” d’oeuvre collective, et de retenir que les droits de l’auteur étaient nés à titre originaire en la personne de la société qui a réalisé et divulgué l’ouvrage, le nom de Paul Y… sous lequel s’était faite la diffusion n’ayant créé qu’une présomption réfragable, renversée par les éléments susmentionnés, et peu important que Paul Y… en ait été l’initiateur ou concepteur, la propriété littéraire ne protégeant pas les idées ou concepts, mais la forme originale sous laquelle ils sont exprimés ; »

 

1ère Civ, 16 novembre 2004, Bull Civ 2004, I, n°275

 

Il s’agit en fait d’une confirmation d’une décision assez ancienne de la Cour de cassation admettant qu’un contributeur, intervenu également au stade de la coordination du travail de création d’une œuvre collective, était dépourvu de droits sur cette œuvre, prise dans sa globalité

 

1ère Civ, 1er juillet 1970, Harle c. Centre nautique des Glénans, D. 1970, jurisprudence page 769, note B.E.

 

Cette position avait été réitérée dans un arrêt de 1994 :

 

La Cour de cassation, en présence d’une œuvre créée à l’initiative d’une personne morale agissant par le biais d’une personne physique, chargée de la conception et de la direction de l’ouvrage, reconnaît la personne morale comme titulaire des droits, et fait donc abstraction de l’intervention, dans ce travail de conception et de direction, d’une personne physique intervenue pour le compte de cette personne morale dans les termes suivants :

 

« Et attendu que, s’agissant d’une œuvre collective, aucun des auteurs des diverses contributions ne peut revendiquer un droit sur l’ensemble réalisé, de sorte que la décision de la cour d’appel se trouve légalement justifiée quant aux demandes de Mme Le Brun concernant une rémunération proportionnelle ou l’indemnisation d’une contrefaçon. »

 

 

L’absence de protection du travail de « conception » d’une œuvre collective a également été rappelée clairement par la Cour de Cassation dans l’arrêt KANNAS  du 3 avril 2002,  puisque la Cour de Cassation a réaffirmé avec force, dans cet arrêt que «  justifiait légalement sa décision de rejeter la revendication par une personne de sa qualité d’auteur ou de coauteur d’un dictionnaire, la cour d’appel qui, ayant relevé que la contribution de cette personne aux conception et direction de l’ouvrage, inhérente aux attributions de son contrat de travail, se fondait dans un ensemble de l’activité des auteurs et collaborateurs réunis au sein de l’équipe animée par elle, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun un droit distinct sur la création réalisée, déduit justement de ces constatations que la réalisation du dictionnaire est une œuvre collective dont la qualité et les droits appartiennent à l’employeur ».

 

 

 

La Cour d’appel de Paris résumait sa position de la façon suivante :

 

« Qu’en effet, cette œuvre a été rédigée par de nombreux collaborateurs salariés dont les noms figurent en page de l’ours et que le fait que le nom de Claude KANNAS apparaisse en qualité de conceptrice et de directrice n’en modifie pas sa nature dans la mesure où la réalisation de cet ouvrage collectif entrait dans les attributions qui étaient dévolues à l’appelante dans le cadre de son contrat de travail. 

 

Que si aux termes de l’article L.113-1 du Code de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre a été divulguée, et donc en l’espèce à la société intimée, Claude KANNAS ne verse aux débats aucun document probant destiné à démontrer qu’elle a seule et personnellement conçu et créé intellectuellement le dictionnaire SUPER-MAJOR, qui n’est que le fruit d’un travail collectif dans lequel elle a assuré, dans le cadre de son contrat de travail, un rôle de conception, de maîtrise d’œuvre et de coordination. »

 

Arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 12 Janvier 2000

 

S’agissant du packager, personne morale investie des prérogatives de direction et de coordination des travaux conduisant à l’élaboration de l’œuvre collective, il n’y a pas réellement de différence avec les missions confiées à un Directeur de collection au sein d’une société éditrice.

 

L’important est de bien pouvoir établir que cette société éditrice de l’œuvre collective conserve l’initiative de la création et fixe bien les caractéristiques de l’œuvre.

 

Une difficulté pourrait se rencontrer si le packager agit, en fait, de façon autonome.

 

En effet, dans cette hypothèse, les contributeurs en relation avec le seul packager pourraient estimer qu’ils n’ont pas contribué à une œuvre collective dans la mesure où le packager n’est pas une personne morale qui publie l’œuvre sous son nom et sous sa responsabilité.

 

CA PARIS 4 avril 2008, SA Groupe entreprendre /SA Conception de presse et édition

 

Il convient donc d’être assez prudent sur la formalisation du contrat avec le packager (en fixant des directives précises quant à l’œuvre commandée) ainsi qu’avec la manière dont les rapports vont se nouer entre le packager et les contributeurs : il serait préférable, selon nous, de prévoir la signature d’un contrat entre l’éditeur et les contributeurs , ou au minimum de faire apparaître par écrit de façon très claire, vis-à-vis des contributeurs, que la contribution commandée est destinée à s’intégrer à une œuvre collective publiée par l’éditeur dûment identifié.

 

En outre, quand bien même le packager serait tenu à garantie en cas de contestations des contributeurs sur l’étendue des droits dont l’éditeur est titulaire, il paraît préférable de faire en sorte que les contrats conclus avec ces contributeurs soient soumis, même sous forme de modèle, à l’examen de l’éditeur, afin de prévenir d’éventuelles difficultés et de trouver une solution avant la naissance d’un contentieux.