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Forfaits jours : arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 24 avril 2013 : les dispositions de la convention collective SYNTEC sont insuffisantes

 
Dans cet arrêt du 24 avril, 2013 la Cour de cassation confirme sa jurisprudence concernant les conditions de validités des forfaits jours, élaborée depuis 2011.
En l’espèce, un cadre bénéficiaire d’une convention de forfait jours avait  donné sa démission.
L’employeur,  avait intenté une action contre son ancien salarié pour voir s’appliquer la clause de non concurrence qui figurait à son contrat de travail.
La Cour d’appel de Paris (Pôle 6, chambre 8, 20 octobre 2011, n°10/00606) a déclaré cette clause nulle, et à la suite d’un pourvoi, l’affaire a été soumise au contrôle de la Cour de cassation.
La Chambre sociale de la Cour de cassation va alors élargir le débat, en relevant un moyen soulevé d’office (article 1015 du code de procédure civile), et se prononcer sur la validité de la convention de forfait.
La Cour,  au visa de l’article de l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de l’article L.212-15-3 ancien du code du travail et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, affirme  clairement que la protection offerte aux salariés par la convention collective SYNTEC est insuffisante et déclare la convention de forfait nulle.
La décision de la Cour de cassation n’est pas surprenante puisqu’il s’agit (I) de la réitération d’une position ferme mais claire qui néanmoins, revêt des (II) conséquences importantes pour les salariés et les employeurs.
I.La réitération d’une position ferme et claire
La Cour de cassation, pose des exigences à respecter quant à la soumission des salariés au régime de forfait en jours.
Or, à la lecture de la convention de forfait qui faisait référence à l’accord d’entreprise qui lui-même intégrait les stipulations de la Convention collective SYNTEC, les juges déduisent que l’ensemble de ces stipulations « ne sont (pas) de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ».
Le temps de travail des salariés soumis à une convention de forfait doit pouvoir être contrôlé et un simple « suivi spécifique au moins deux fois par an » est jugé insuffisant pour garantir que l’amplitude  et la charge de travail reste raisonnable.
Pour sévère que soit la décision, elle n’est pas surprenante et  l’année 2012 a vu des conventions de forfaits individuelles prises en application de quatre différentes conventions collectives être sanctionnées :
·         31 janvier 2012 (n°10-19.807) Convention des industries chimiques ;
·         13 juin 2012 (n°11-10.854) Convention de l’aide à domicile en milieu rural ;
·         19 septembre 2012 (n°11-19.016) Convention des industries de l’habillement ;
·         26 septembre 2012 (n°11-14.540) Convention du commerce de gros.
Cet arrêt du 24 avril 2013 s’inscrit parfaitement dans cette ligne jurisprudentielle, et au travers d’un visa très symbolique, la Cour confirme sa position et exige que les conventions de forfait en jours garantissent la protection de la santé et de la sécurité du salarié.
Cette position ferme de la Chambre sociale affecte un grand nombre de conventions de forfait en jours et donc un nombre élevé de salariés et d’employeurs.
II.Des exigences aux conséquences importantes
La Cour de cassation offre une protection accrue aux salariés soumis à ce régime de forfait en jours, mais, ce contrôle fait peser le risque d’une sanction importante sur les employeurs.
Au préalable, rappelons que c’est la loi n°2000-37 du 19 janvier 2000 (dite loi Aubry II) qui a mis en place ce dispositif de décompte du temps de travail. Cette loi précise qu’un salarié ne peut être soumis à un tel régime que si deux conditions sont réunies, d’une part, un accord collectif étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement doit permettre expressément le recours à la convention de forfait en jours et d’autre part, l’acceptation par le salarié concerné  du forfait dans une convention individuelle.
Dès lors, la Cour met en avant que la validité d’une convention individuelle de forfait en jours est subordonnée à la présence au sein de la convention collective de clauses qui organisent un suivi du temps de travail permettant de garantir la santé et la sécurité des travailleurs. La convention individuelle de forfait qui se contente de recopier les dispositions insuffisantes de la convention collective est donc susceptible d’être systématiquement annulée.
Cependant, cet arrêt et les précédents ne permettent pas avec certitude de répondre à une question pourtant essentielle. Une convention individuelle de forfait jours contenant des dispositions suffisantes pour garantir la santé et la sécurité du salarié peut-elle échapper à la nullité alors même qu’elle est prise en application d’une Convention collective déficiente ?
La Cour n’a pas encore tranché la question et l’incertitude demeure. Pour avoir l’assurance d’échapper à la nullité en cascade des conventions de forfaits la seule solution consiste en la renégociation des conventions collectives et ensuite, à la modification des conventions individuelles de forfait jours, prises en application des nouvelles dispositions des conventions collectives.