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Cadres au forfait-jours : attention aux règles à respecter

Cadres au forfait jour

Attention aux règles à respecter

Très nombreuses sont les entreprises dont les cadres sont rémunérés sur la base de ce que l’on appelle « le forfait jours ».

Les conventions de forfait en jours ont été instaurées par la loi Aubry sur les 35 heures

Ce système de décompte du temps de travail s’adresse à une catégorie de salariés autonomes, et dont la « durée du temps de travail ne peut être prédéterminée ».

Ces dispositions ont été abrogées par la loi du 20 août 2008 pour être simplifiées.

Ces clauses permettent de calculer la durée du travail d’un cadre, non pas sur la base d’un nombre d’heures quotidiennes, ou hebdomadaires, mais sur la base d’un nombre de jours sur l’année.

Le forfait ainsi convenu, permet à la fois de globaliser le temps de travail du salarié, qui le gère de façon autonome, et de globaliser la rémunération qui lui est versée en contrepartie.

Mais, liberté d’organisation, ne veut pas dire travail sans limites….

Conduisant parfois à imposer aux cadres concernés, une amplitude horaire de travail journalier dépassant les limites autorisées par la loi, la Cour de Cassation a été amenée à se prononcer sur la condition de validité de telles clauses, en rappelant les conditions de leur encadrement nécessaire.

L’enjeu est de taille.

En effet, si la clause de forfait jours est annulée, l’entreprise peut se trouver confrontée à une demande de rappel d’heures supplémentaires, qui peut lui coûter très cher.

Comment éviter d’en arriver à une telle situation ?

Rappelons tout d’abord que la question de la compatibilité du système français des forfaits jours avec les textes européens a été, et est toujours en débat. Le forfait jours ne serait pas conforme à l’article 2 §1 de la charte sociale européenne au motif que le temps de travail maximum pour les salariés soumis au forfait annuel en jours serait excessif.

A cela, s’ajoute en droit interne français différentes conditions de licéité rappelées par la Cour de Cassation, et qu’il convient de garder à l’esprit :

Cour de cassation – Chambre sociale – 09-71.107 – 29 juin 2011 :

La Cour de cassation a jugé que « Attendu, enfin, que, selon l’article 14 de l’accord du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie, le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés, afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises ; que l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ; que ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ; que le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail ; qu’en outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité ; que cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé »

La Cour de cassation entoure donc le recours au dispositif du forfait-jours d’un certain nombre de garanties destinées à préserver le droit des salariés à la santé et au repos.
Nécessité d’un accord collectif :

• l’accord collectif qui fixe le cadre des conventions de forfait en jours sur l’année doit comporter des mesures concrètes de nature à assurer le respect du décompte effectif des jours et demi-journées travaillés ainsi que des repos, journaliers (11 heures) et hebdomadaires

• l’employeur doit s’assurer du respect des stipulations de l’accord collectif et des garanties prévues par la loi. Le repos quotidien et hebdomadaire doit être effectif ; il doit tenir un entretien annuel individuel qui doit porter sur la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération.

Il convient donc de vérifier le contenu de la convention collective applicable, et le cas échéant de mettre en place un dispositif de décompte des jours et demi-journées travaillés, par exemple une badgeuse ou un dispositif de signature.

Mais il arrive parfois que les conventions collectives ne prévoient pas de dispositif de contrôle suffisant :

Cour de cassation – Chambre sociale – 11-14.540 – 26 septembre 2012 :

La Cour de cassation a jugé « Qu’en statuant ainsi, alors que ni les dispositions de l’article 2. 3 de l’accord ARTT du 14 décembre 2001 pris en application de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970, qui, dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s’agissant de la charge et de l’amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, ni les stipulations de l’avenant du 26 janvier 2000 à l’accord d’entreprise du 17 février 1999, qui, s’agissant de l’amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte, ne prévoient qu’un examen trimestriel par la direction des informations communiquées sur ces points par la hiérarchie, ne sont de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était privée d’effet, la cour d’appel a violé les textes susvisés »

En effet, en application de l’article L. 3121-45 du code du travail, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, tant journaliers qu’hebdomadaires, telles que définies par le code du travail et selon les Directives communautaires de 1993 et 2003, dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs.

Ne respectent pas ces principes les stipulations qui se limitent à prévoir, s’agissant de la charge et de l’amplitude de travail du salarié, un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique et un examen trimestriel par la direction des informations communiquées sur ces points par la hiérarchie, dès lors qu’elles ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.

La convention de forfait en jours est ainsi privée d’effet, entraînant le paiement des heures supplémentaires effectuées sur les 5 dernières années, ainsi que l’indemnité pour travail dissimulé.

Et en toutes circonstances, il est impératif de prévoir, dans le contrat de travail, une clause expresse de recours au forfait, qui indique précisément le nombre de jours travaillés, la rémunération convenue, et les modalités de
décompte des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que les journées de repos.

Cour de cassation – Chambre sociale – 10-17.593 – 11 janvier 2012 :

La Cour de cassation a statué « Qu’en statuant ainsi, alors qu’aucune convention individuelle de forfait n’avait été passée par écrit entre la société et le salarié, le seul renvoi général fait dans le contrat de travail à l’accord d’entreprise ne pouvant constituer l’écrit requis, la cour d’appel a violé le texte susvisé »

L’instauration du forfait annuel en jours suppose donc, en plus d’un accord collectif autorisant le recours à ce dispositif, une convention individuelle passée par écrit constatant l’accord du salarié.

Il convient donc de vérifier l’existence d’une convention individuelle de forfait par écrit, conclue avec chacun des salariés. Cette convention doit prévoir les modalités de mise en œuvre des deux points énoncés précédemment (le décompte des jours travaillés et l’entretien trimestriel), ainsi que rappeler les dispositions légales concernant les temps maximums de travail et les repos obligatoires.
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