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L’obligation de restitution par l’agence de presse des clichés d’un journaliste

 

 

L’obligation de restitution par l’agence de presse des clichés d’un journaliste  

 

 

 

Un journaliste, salarié ou non peut-il réclamer à son agence de presse la restitution des clichés photographiques que celle – ci détient ?

 

La question n’est pas nouvelle, et a fait l’objet de nombreuses décisions.

 

A la lecture de la jurisprudence la plus récente sur la question, on s’aperçoit que le débat  revient assez souvent, à l’occasion de conflits entre journalistes  et leurs agences de presse.

 

Dans les faits, on constate le plus souvent que le journaliste saisit la juridiction – civile ou prud’homale – de demandes fondées sur le constat suivant :

 

          Il existerait entre l’agence et le photographe, un contrat de dépôt ayant pour objet les clichés pris par le journaliste pendant l’exécution de son  contrat de travail,

          Au moment du licenciement, le journaliste serait donc en droit de réclamer la restitution des clichés et d’en interdire sa reproduction  faute d’avoir cédé à l’agence les droits de reproduction sur les clichés en question.

 

 

L’obligation de restitution invoquée par je journaliste correspond en effet à l’obligation caractéristique du contrat de dépôt, défini en ces termes par l’article 1915 du Code civil :

 

« Le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature. »

 

Pour qu’une obligation de restitution soit ainsi mise à la charge d’une agence de presse au profit de l’un de ses photographes, il faut cependant, conformément aux principes applicables en droit des contrats, que la preuve de la détention des photographies par l’agence soit rapportée et que cette détention procède effectivement de la conclusion d’un contrat de dépôt entre cette agence et ce photographe.

 

Les décisions de justice rendues récemment sur la question relèvent en effet, pour la plupart, l’existence d’un contrat de dépôt entre le journaliste et l’agence de presse, condition essentielle pour admettre l’obligation de restitution.

 

 

Or comment prouver l’existence d’un tel contrat de dépôt  lorsqu’il n’a jamais été formalisé, ce qui est le cas le plus fréquent ?

 

La réponse à la question n’est pas neutre, puisqu’elle devrait conditionner en principe,  l’appréciation de l’obligation de restitution mise à la charge de l’agence :

 

Conformément au principe énoncé par l’article 1341 du Code civil en matière d’obligations contractuelles, lorsque le montant en jeu dépasse la somme de 1.500 euros, la preuve de l’existence du contrat de dépôt doit être rapportée par écrit.

 

A défaut d’un tel écrit, l’article 1924 du Code civil, applicable aux contrats de dépôt, précise que celui qui est attaqué comme dépositaire doit être cru sur sa déclaration, soit pour le fait même du dépôt, soit pour son contenu, soit pour sa restitution (Cf. en ce sens, Cass Civ, 12 avril 2005, n°02-13.352).

 

En d’autres termes, lorsque le déposant n’est pas en mesure de rapporter la preuve de l’existence d’un contrat de  dépôt conclu avec la partie qu’il prétend dépositaire de ses biens, ou encore de la consistance exacte des biens déposés, cette preuve ne peut résulter des seules allégations du déposant.

 

Le Tribunal,  dans de telles conditions, ne peut donc pas se contenter des déclarations du journaliste, pour apprécier la consistance du dépôt mais ne peut donner foi qu’aux déclarations du dépositaire, c’est-à-dire de l’agence de presse.

 

En effet, l’article 1924 précité conduit à considérer que dans l’hypothèse où le déposant n’est pas en mesure d’administrer la preuve de l’existence du dépôt ou de la consistance des biens déposés, il convient de s’en tenir aux seules déclarations du dépositaire sur ces points, c’est-à-dire aux déclarations de l’agence de presse.

 

Ainsi dans une affaire ayant donné lieu à un jugement rendu par le TGI de Paris le 22 février 2008,  un  journaliste reporter photographe avait fait assigner une agence de presse  en lui reprochant d’avoir exploité ses photographies sans autorisation et sans contrepartie financière et d’autre part, d’avoir perdu plus de 40 000 de ses supports originaux.

 

Le tribunal était donc saisi de deux questions bien distinctes, à savoir d’une part, la contrefaçon de droits d’auteur, par la reproduction non autorisée des clichés dont le journaliste était l’auteur, et, d’autre part, l’obligation de restitution desdits clichés.

 

Sur l’obligation de restitution, le tribunal a relevé que la remise de photographies à une agence aux fins d’exploitation  est constitutive d’un contrat de dépôt qui met à la charge du dépositaire une obligation de restitution conformément aux dispositions de l’article 1932 du Code Civil.

 

Autrement dit, les magistrats avaient considéré en l’espèce  que la preuve du contrat de dépôt était rapportée par la simple remise des clichés, peu important que cette remise fut volontaire, ou qu’elle ait eu un caractère obligatoire.

 

Ils en ont déduit que l’agence était responsable de la perte des clichés, et ont condamné l’agence de presse à une somme de 1 200 000 EUROS à titre de dommages et intérêts au titre de la perte des supports originaux.

 

 Nul ne sait cependant comment les magistrats auraient apprécié l’obligation de restitution, si la question découlant de l’article 1924 du Code Civil, leur avait été posée.

 

Dans une autre affaire, ayant donné lieu à jugement du 21 novembre 2008, rendue par le TGI de Paris,  un photographe indépendant a attaqué son cocontractant en sollicitant entre autres, la  restitution de photographies  dont il était l’auteur, et que l’agence avait  encore en sa possession.

 

Le tribunal, faisant droit par ailleurs aux nombreuses autres demandes du journaliste, a cependant écarté celles afférentes à l’obligation de restitution des clichés faute par le demandeur d’apporter des preuves suffisantes en la matière.

 

On le voit, la question de l’appréciation par le juge de l’obligation de restitution repose essentiellement sur la preuve de la remise des clichés et de sa consistance.

 

Mais le régime du contrat de dépôt qui s’applique dans un tel cas ne doit pas faire oublier aux parties que les déclarations du dépositaire sont les seules qui font  foi en l’absence d’écrit, à la fois quant à l’existence de ce dépôt, quant à la consistance des biens remis en dépôt, et quant à leur restitution.

 

A moins de fournir une série de récépissés de dépôt manifestant la reconnaissance commune du contenu du dépôt par les parties, au moment de la remise des clichés, il convient de considérer que les allégations du photographe ne peuvent suffire à rapporter la preuve de la consistance des biens objet du dépôt, et, partant, le périmètre de l’obligation de restitution mise à la charge du dépositaire.